Marchand de bien !
L’article 35-I-1 du CGI

Il arrive que des contribuables personnes physiques réalisent des opérations de marchands de biens tout en ignorant les conséquences fiscales redoutables d’une telle situation. Il en va de l’achat de biens immobiliers et de leurs reventes avec profit.

C’est l’occasion de rappeler quelques grands principes applicables en matière de requalification en marchand de biens, car les conséquences fiscales issues de la requalification en marchand de biens sont importantes car elles conduisent à se voir demander par le fisc d’acquitter la TVA et de BIC.

Pour que les dispositions de l’article 35-I-1° du CGI soient applicables, trois conditions doivent être simultanément remplies :

 les opérations doivent être habituelles et les achats ou les souscriptions doivent avoir été effectués avec l’intention de revendre ;

 elles doivent consister en achats (ou souscriptions) suivis de ventes ;

 et porter sur les biens limitativement énumérés par ledit article 35-I-1° : immeubles, fonds de commerce, actions ou parts de sociétés immobilières.

I. Notion d’habitude

Elle résulte soit de la pluralité des ventes réalisées dans le cadre d’une même opération, soit de l’activité passée ou présente du cédant.

Si celui-ci est un professionnel du commerce des biens ou de la promotion immobilière (marchand de biens, promoteur-constructeur, société de construction-vente), il est évident que la notion d’habitude est sous-jacente à la profession exercée ou à l’objet social défini dans les statuts.

S’il s’agit, en revanche, d’un particulier, un examen plus approfondi des « antécédents » du redevable peut s’avérer nécessaire. Les opérations qu’il a pu réaliser dans le passé -y compris au cours d’années couvertes par la prescription- doivent être recensées de façon à établir le nombre, l’importance et la fréquence de ces opérations. En cas de difficultés, un examen de la jurisprudence rendue par le Conseil d’État pour l’application de l’article 35-I-1° du CGI peut apporter d’utiles éléments de comparaison. Un aperçu de la jurisprudence et de la doctrine est présenté ci-après en format "pdf", n°s 11 à 14 dans la documentation de base 8d111 .

II. Intention spéculative

Lorsque le caractère habituel, des opérations est établi, l’intention spéculative du cédant est toujours présumée. C’est donc à lui qu’il appartient d’apporter tous les éléments de preuve susceptibles de faire échec à cette présomption. Sauf circonstances exceptionnelles, cette preuve paraît difficile à établir : il existe, en effet, un lien direct entre les notions d’habitude et d’intention spéculative.

L’intention spéculative -l’intention de revendre- s’apprécie au moment de l’achat ou de la souscription et non à celui de la revente ; aussi les raisons qui ont pu déterminer les aliénations importent peu : aliénations volontaires ou forcées, expropriations, difficultés de trésorerie, vente à perte, modification des statuts.

L’intention de revendre s’apprécie d’après les circonstances spéciales à chaque affaire :

 court délai séparant les acquisitions ou les souscriptions des reventes (CE, arrêt du 18 juin 1955) ;

 montant des bénéfices réalisés (Cons. préf. Nice, 26 octobre 1949) ;

 opérations nombreuses et fréquentes (CAA Nantes, arrêt du 22 décembre 1993, n° 92-204 et CAA Paris, arrêt du 16 juin 1994, n° 91-851) ;

 situation géographique des immeubles ou des fonds de commerce dans les quartiers recherchés par les acquéreurs (CE, arrêt du 6 janvier 1947) ;

 profession du vendeur (CE, arrêt du 21 février 1951 ; CAA Lyon, arrêt du 8 novembre 1995, n° 92-510 ; CAA Bordeaux, arrêt du 30 avril 1996, n° 94-667) : le marchand de biens est toutefois autorisé à apporter la preuve que les biens vendus n’étaient pas compris dans le stock immobilier sur lequel porte son négoce (CE, arrêt du 2 octobre 1981, n° 25405 ; CE, arrêt du 17 mai 1995, n° 133008) ;

 lotissement effectué immédiatement après l’acquisition (Cons. préf. Seine, 15 octobre 1946).

Mais il a été jugé que la revente d’immeubles dont l’acquisition avait été effectuée à des fins essentiellement familiales n’entre pas dans le champ d’application de l’impôt (CE, arrêt du 15 novembre 1963).



Article mis en ligne le 28 mars 2013
dernière modification le 29 mars 2013

par rpvolle

Dès lors que les trois conditions exposées 8 D 111, n° 2 (habitude, intention de revendre, nature des opérations et des biens) sont réunies, les dispositions de l’article 35-I-1° du CGI sont applicables quelle que soit la qualité de la personne qui accomplit les opérations immobilières, et même si cette personne est un simple particulier qui n’exerce pas à titre professionnel l’activité de marchand de biens. De plus, pour qu’une personne physique relève du régime d’imposition des marchands de biens il n’est pas nécessaire que les opérations d’achat et de revente des biens immobiliers soient exclusives de toute autre occupation.

La profession principale exercée par une personne ne s’oppose nullement à ce que celle-ci soit considérée comme exerçant accessoirement celle de marchand de biens (Cons. préf. Limoges, 17 juin 1948).

Ont ainsi été considérés comme marchands de biens, deux bijoutiers parisiens qui, au cours de la période du 1er janvier 1962 au 31 octobre 1964, d’une part, ont acquis, par douze opérations distinctes, des immeubles bâtis, des parties de tels immeubles, des terrains et des parts d’une société civile immobilière d’autre part ont revendu, par trente-huit opérations, certains de ces immeubles ou des lots de ces immeubles et, en outre, ont fait apport d’un fonds de commerce à une société ayant pour objet le commerce de biens (CE, arrêt du 3 mai 1972, req. n° 81 639).

A également été considéré comme marchand de biens un médecin qui, de 1967 à 1970, a acquis cinq immeubles et revendu onze autres (CE, arrêt du 22 juillet 1977, req. n° 2611).

Dans le même ordre d’idée, ont été considérés comme exerçant la profession de marchand de biens : un exploitant forestier (CAA Nancy, arrêt du 26 février 1991, n° 91-1492), un orthopédiste (CE, arrêt du 13 juin 1979, n° 10 962), un entrepreneur de travaux publics (CE, arrêt du 25 juillet 1975, n° 89 522), un charcutier (CE, arrêt du 26 juillet 1991, n° 79 551), un exploitant de bar-tabac (CE, arrêts du 13 janvier 1992, n°s 72 570 et 72 571).

De même, les opérations de marchands de biens effectuées par les officiers publics ou ministériels entrent dans le champ d’application de la loi. Il importe peu que ces opérations soient régulières ou non, au point de vue civil ou administratif. La circonstance qu’un officier public ou ministériel contreviendrait aux règles de sa profession en accomplissant des opérations de marchand de biens ne saurait modifier sa situation au regard de la loi fiscale.

Remarque. - S’il a été admis en ce qui concerne les professions libérales, que les profits résultant d’opérations commerciales réalisées à titre occasionnel peuvent être soumis à l’impôt sur le revenu au titre des BNC à la condition que ces opérations réalisées soient directement liées à l’exercice de la profession libérale et constituent strictement le prolongement de cette dernière, en revanche, lorsque les opérations commerciales accessoires ne sont pas directement liées à l’activité libérale, mais relèvent d’une activité distincte, les profits en résultant doivent être imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.



Les tableaux suivants présentent une analyse sommaire des décisions doctrinales ou jurisprudentielles rendues dans un certain nombre de cas précis.

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